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où cette science peut s’acquérir et le jeune homme qui en sort trouve souvent les capitaux dont il a besoin. Pour peu qu’il soit studieux et actif, son succès est dès lors assuré.

Il n’en est pas de même du jeune Canadien-français. Il appartient à un peuple peu nombreux, qui ne connaît pas la véritable industrie et qui n’a pas encore acquis le goût de la science ; ou plutôt, pour parler plus exactement, ce peuple possède le génie industriel et le goût des sciences, mais à l’état latent. Chez lui ces qualités ne sont pas encore développées. De plus, ce peuple n’est pas bien connu de ses voisins qui ne sont pas sans préjugés à son égard. Que le jeune Canadien-français donc, qui a reçu ou qui a acquis par ses propres efforts une éducation industrielle, travaille, qu’il peine, il pourra devenir un savant, mais il aura beaucoup de peine à rendre sa science productive. Quoiqu’il fasse il sera toujours mal situé pour combattre. On nous citera un certain nombre de Canadiens-français qui ont réussi, dans la carrière industrielle. Ce sont des exceptions, et ceux-là savent mieux que personne que nous affirmons ici la simple vérité. Or ce qu’il nous importe de considérer ce n’est pas l’exception, c’est la règle. Si comme nous avons essayé de le démontrer, l’existence honorable des Canadiens-français sur le continent américain, tient à leur supériorité intellectuelle, laquelle dépend presque entièrement de leur condition économique ; s’il est vrai qu’ils sont ainsi situés qu’ils ne peuvent se contenter de suivre le courant et de laisser faire, sous peine de devenir inférieurs, et cela tant à cause de leur génie national que de leur situation particulière ; il s’en suit qu’il faut que chez eux la supériorité industrielle soit la règle, il faut qu’ils s’emparent de leur industrie nationale et l’exploitent eux-mêmes.

Pour procurer aux Canadiens la supériorité industrielle qui, jointe à la supériorité agricole, implique une supériorité générale, il faut sans doute et avant tout des écoles, il faut un système aussi parfait que possible d’écoles industrielles générales et spéciales. Mais pour donner l’élan il faut quelque chose de plus que ces écoles, fussent-elles les meilleures du monde. Il faut que nos jeunes savants trouvent un champ favorable à leurs expériences et à l’application de leurs découvertes, que nos jeunes industriels trouvent auprès des autorités l’appui dont ils ont besoin pour surmonter les premières difficultés scientifiques et financières. Il faut, en un mot, que le gouvernement de Québec fasse comme le gouvernement allemand et devienne le centre scientifique de la province, le protecteur de l’ouvrier et le banquier de l’industrie. Une véritable école centrale, de bonnes lois industrielles, un système d’encouragement à l’industrie par l’État, voilà ce qui doit être, à notre avis, la base de l’œuvre industrielle dans la province de Québec.

Quoi ! s’écriera-t-on, voudriez-vous risquer de détruire l’initiative individuelle en préconisant l’assistance de l’État aux entreprises industrielles ! Voilà précisément le système que nous croy-