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ons être le meilleur, ou plutôt le seul possible pour assurer aux Canadiens la supériorité industrielle. Du reste, ce système n’est pas nouveau chez nous. Nous avons dépensé bien des millions pour des voies ferrées. D’où sont venus ces millions ? N’ont-ils pas été pris sur le capital national, c’est à dire les fonds publics ? Les capitaux fournis par l’État pour nos chemins de fer ne sont-ils pas de beaucoup plus considérables que ceux versés par les constructeurs, particuliers ou compagnies, qui souvent n’en possédaient guère ? Cette assistance, a-t-elle nui à l’exploitation de nos voies ferrées ? N’est-il pas vrai, au contraire, que sans cette assistance, la plupart de ces chemins n’auraient jamais été construits ? Hésiterons-nous donc lorsqu’il s’agit, avec des sacrifices relativement insignifiants, si nous les comparons à ceux que nous avons déjà faits pour nos chemins de fer, d’obtenir des résultats incomparablement plus considérables ; lorsqu’il s’agit de l’avenir de la province de Québec et de la fortune de nos enfants. Poussés par la nécessité, nous avons déjà tenté l’expérience de ce système en l’appliquant à l’industrie laitière et avec un entier succès. Nous devons donc, ce nous semble, admettre que la proposition est acceptable en principe et qu’il est de notre devoir de lui donner une application pratique dès que nous en aurons trouvé le moyen.

Le moyen ! Voilà la pierre d’achoppement. L’on voudrait bien, mais l’on n’ose essayer. Pourtant, il n’y a rien dans tout cela qui doive nous effrayer. Répétons-le encore une fois, nous ne proposons pas ici des choses nouvelles, mais seulement l’application plus étendue d’un principe qui, dans la pratique, nous a déjà donné de bons résultats. Avec cette différence que dans ce cas, les sacrifices seraient moins grands et les résultats incomparablement plus importants.

Il est vrai, pour en revenir au pays que nous avons cité comme exemple, que nous n’avons pas la grande population, la richesse énorme de l’Allemagne. Nous ne pourrions pas ériger de vastes palais pour y loger nos savants. Mais il n’est pas essentiel d’ériger immédiatement un temple à la science. Consacrons-lui d’abord notre jeunesse et attendons qu’elle-même nous fournisse les signes extérieurs de son culte. Contentons-nous de l’essentiel. Suivons l’exemple de l’Allemagne en ce qu’il a de bon seulement. Nous avons signalé dans le système allemand certaines choses qui nous paraissent être des erreurs. L’Allemagne, par ses tarifs protecteurs, a implanté chez elle une foule d’industries exotiques, ce qui a donné lieu à un surcroît de production et à un sérieux danger économique. Cela doit nous démontrer qu’en cherchant à développer notre industrie, il n’est pas nécessaire de forcer la nature ni de faire tout à la fois. Tout en nous conformant aux conditions économiques actuelles, il faut travailler aussi en vue de celles de l’avenir. Dans quelques années sans doute, cette gêne constante que les économistes appellent par euphémisme surcroît de production, — mais qui, au fond, n’est que