Page:Bouchor - Les Symboles, nouvelle série.djvu/209

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sent de la civilisation, et qu’il importe de les préserver, fût-ce par les armes, dans l’intérêt supérieur de l’humanité. J’ai présenté les choses tout autrement ; mais l’idée, au fond, est la même. Si j’ai commis une faute d’art, je peux dire, pour mon excuse, que j’ai agi sous l’impulsion d’un sentiment irrésistible.

Bien que ce soit un grand devoir, selon mon jugement, de veiller au salut de la patrie, parce qu’elle est (à droite ou à gauche du Rhin) l’agent le plus énergique de la civilisation, je ne songe pas à nier combien peut être cruelle l’antinomie entre le devoir envers la patrie et le devoir envers l’humanité ; mais je ne renonce pas à l’espoir que cette antinomie finira par être résolue de façon à ne compromettre aucun intérêt supérieur et à ne blesser aucun sentiment légitime. Quand ? comment ? après quelles épreuves ? Cela est si difficile à pressentir, que je suis revenu à ma vision de paix fraternelle aussi brusquement que je l’avais quittée.


Je n’ai pas à apprécier les conclusions générales contenues dans l’Homme-Dieu et dans l’Épilogue du présent livre. Après dix ans de réflexion, je ne changerais rien, me semble-t-il, à ce qui peut en être formulé d’une façon précise. Mais le sentiment s’est modifié plus que la pensée. Il y a dans les derniers poèmes des Symboles, d’une part, un pénible effort pour reprendre l’équilibre de la raison après un abus de rêveries mystiques ; d’autre part, une grande fatigue à la suite de vaines tentatives pour atteindre la vérité métaphysique. Contrarié par cet effort, appauvri par cette lassitude, le sentiment religieux m’est ensuite revenu plus