Page:Bouchor - Les Symboles, nouvelle série.djvu/210

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abondant et plus vivace. Ce sentiment, tel que je l’éprouve, est compatible avec bien des ignorances, avec bien des doutes, qui, selon toute vraisemblance, m’accompagneront jusqu’à la mort ; il demande pourtant à se préciser en des croyances que ma raison puisse accepter. Voici donc quel serait, avec toutes les lacunes qu’il comporte, le symbole de ma foi :

Je crois que, dans le mystère impénétrable qui nous enveloppe, quelque chose d’auguste est contenu. Je crois que l’univers, malgré ses cruelles imperfections, est une Œuvre divine, et la vie, si douloureuse qu’elle soit, une chose sacrée. Je crois qu’une voix impérieuse nous parle dans la conscience et nous prescrit notre devoir, sans que la variation des idées ou des mœurs infirme aucunement le fait essentiel qu’il y a une loi morale. Je crois que, pour obéir à cette loi, qui nous oblige sans nous contraindre, nous possédons, en dépit de nos plus misérables servitudes, un réel pouvoir de nous déterminer nous-mêmes, et, par suite, de préférer le bien universel à notre bien particulier. Je crois que, si nous en avons le ferme vouloir, nous pouvons, dans la mesure de nos forces, nous associer à l’Œuvre divine, qui, favorisée ou entravée par notre libre arbitre, se développe à travers le temps. Je crois que les fins dernières de l’homme et du monde échappent à nos prévisions, dépassent notre intelligence, mais qu’il nous est permis, si même ce n’est pas là un devoir, de les espérer conformes à un idéal sans cesse renouvelé, agrandi et purifié.

Pour incomplète qu’on la juge, une telle foi aide puissamment à vivre. Si elle ne détruit pas l’angoisse d’ignorer, du