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LA CASTE ET L’ADMINISTRATION ANGLAISE

que chez les Rárhi-Brahmanes du Bengale, distingués hiérarchiquement en Kulins, Siddha-Srotriyas, Sádhya-Srotriyas et Kashta-Srotriyas, le Kulin peut prendre femme dans son propre groupe et dans les deux plus hauts groupes de Srotriyas ; le Siddha-Srotriya dans son groupe et dans le groupe des Sádhya-Srotriya mais le choix des Sádhya-Srotriyas et des Kashta-Srotriyas ne peut s’exercer qu’à l’intérieur de leurs groupes respectifs[1]. Les Maráthas qui appartiennent aux familles Kadam, Bánde, ou Powar, ou Nimbalker, familles régnantes au beau temps de la puissance marathique, refusent leurs filles à leurs congénères inférieurs. Ceux des Pods qui ont reçu l’éducation anglaise, et sont devenus clercs ou docteurs, consentent encore à épouser les filles des Pods qui restent cultivateurs et pêcheurs ; mais la réciproque n’est plus permise. On prévoit d’ailleurs le moment où cette classe de Pods distingués repoussera pour ses fils aussi bien que pour ses filles l’alliance des Pods demeurés rustres. Devenue plus nombreuse, elle se suffira à elle-même. On aura passé de l’hypergamie à l’endogamie.

Peut-être des passages de ce genre ont-ils été la règle dans l’histoire de l’Inde antique ? On peut supposer que les Aryens qui venaient coloniser l’Inde n’emmenaient pas toujours avec eux un nombre suffisant de femmes de leur race. Comme presque tous les conquérants-colons ils ont dû prendre les filles des races aborigènes, sans accorder leurs filles en échange. Ainsi se formaient des groupes distincts, plus ou moins élevés dans la hiérarchie, suivant la plus ou moins grande proportion de sang aryen dont ils pouvaient se vanter. Imaginons maintenant, nous dit M. Risley, que dans leur désir de se distinguer, de conserver ou d’accroître leur prestige, de résister aux dégradations entraînées par la continuation des mélanges, les groupes supérieurs, devenus d’ailleurs assez riches en

  1. India, I, p. 425. Cf. XIX, Central India, p. 193 sqq.