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INTRODUCTION

Enfin, on cherche vainement à quelle caste pourrait correspondre la caste des Çûdras[1]. C’est pourquoi le recensement anglais a renoncé à se servir, pour distinguer les différentes catégories de la population, de ces appellations traditionnelles. Que l’on considère face à face la réalité présente, on s’aperçoit que c’est par milliers qu’il faut compter les castes[2]. La théorie brahmanique essaie en vain de voiler cette multiplicité essentielle. Le régime des castes a divisé la société hindoue en un nombre considérable de petites sociétés opposées.

En résumé, sur ces trois points – spécialisation héréditaire, organisation hiérarchique, répulsion réciproque – le régime des castes se rencontre, autant qu’une forme sociale peut se réaliser dans sa pureté, réalisé en Inde. Du moins descend-il, dans la société hindoue, à un degré de pénétration inconnu ailleurs. Il garde une place dans les autres civilisations ; ici il envahit tout. Et en ce sens, on peut soutenir que le régime des castes est un phénomène propre à l’Inde.

    nom employés dans les Smritis, que les métiers attribués par la théorie à la seule caste des Vaiçyas étaient en fait pratiqués par des groupes très différents. Cf. Fick, op. cit., p 163 sqq.

  1. D’après Fick (op. cit., p. 202), il n’y a pas traces, dans les textes pâlis, d’une caste réelle qui corresponde à la caste théorique des Çûdras. D’un autre côté, les recenseurs de l’Inde moderne déclarent à peu près unanimement qu’ils n’y rencontrent rien qui corresponde à une caste de Vaiçyas, encore moins à une caste de Çûdras. (Cf. les résultats du recensement de 1873 résumés par Schlagintweit, art. cit.) Cf. Beames. The races of the N. W. Provinces, p. 167 et Risley. Tribes and Castes of Bengal, I, p. 271.
  2. Il est impossible d’assigner un chiffre précis, les chiffres variant suivant que les recenseurs envisagent les subdivisions ou s’en tiennent aux divisions principales. D’après Schlagintweit, on distinguerait 1 000 groupes principaux dans le Bengale, 307 dans les provinces du N.-O., 127 dans l’Ouddh, 500 dans l’Inde centrale, 413 dans le Maissur. À ne compter que les grandes castes, celles qui comprennent de 100 000 à un million de membres, on obtenait, au recensement de 1881, le chiffre de 207 ; quant aux castes comprenant plus d’un million de membres, on en comptait 39. Au recensement de 1901, on a pris le parti de compter à part tous les groupes entre lesquels les mariages sont interdits. On a dénombré ainsi plus de 2 300 castes.