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nières et des cornes, des griffes et des ergots. Le moins bien armé est éliminé. Les procédés de la sélection sexuelle sont ici analogues à ceux de la sélection naturelle.

Déjà cependant des différences apparaissent. Les luttes pour l’amour vont rarement jusqu’au dénouement tragique. Le plus faible n’est pas mis à mort ; il est seulement mis en fuite : il va cacher sa honte, comme cette épinoche dont parle Darwin[1], que son air hardi et ses vives couleurs abandonnent. Chez les Tetra umbellus, après de longs combats, à peine si les héros ont quelques plumes cassées. Les exemples sont nombreux où il semble, ainsi, que les combats soient surtout des parades, sinon des simulacres, des tournois, des fantasias brillantes. « Nous pensons, dit M. Espinas[2], après un examen attentif, que les luttes en l’honneur des femelles sont généralement des démonstrations d’ordre esthétique où se déploie la fière beauté des mâles plutôt que des duels décisifs où le vaincu perd nécessairement la vie.  » En un mot, un élément nouveau entre en ligne de compte : on dirait que les mâles visent à faire impression sur l’imagination de la femelle. Il ne s’agit pas ici d’être le dernier survivant, mais le premier choisi, l’élu.

D’autres faits mettent d’ailleurs en évidence l’importance croissante de ces préférences, le rôle de l’amour dans la sélection. Ce n’est pas seulement en effet par des parures utiles, par leur armement, c’est par des parures inutiles et toutes de luxe, — par les crêtes et les queues, par les houppes et les rémiges, — que se distinguent d’ordinaire les mâles. Et il semble bien qu’on, ne puisse expliquer le développement de ces ornements sinon par l’usage que le mâle en fait pour attirer et charmer les femelles.

À vrai dire on a proposé diverses explications du phénomène.

  1. Ibid., II, p. 3.
  2. Soc. anim., p. 166.