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soutient que par l’échange. Ce que l’individu entend obtenir pour la satisfaction de ses divers besoins, c’est la valeur, elle-même monnayable en produits divers, du produit qu’il a lancé dans la circulation. Mais, en fait, cette valeur dépend-elle de ses seuls efforts ? Ne varie-t-elle pas suivant que l’objet est plus ou moins demandé ? Et les variations de la demande à leur tour ne sont-elles pas fonctions d’un nombre considérable d’occurrences où l’individu n’a pas la moindre part ? On cite d’ordinaire, comme l’exemple classique des créations de valeurs dues « au hasard », la hausse imprévue du prix de certaines propriétés, sans la moindre participation du propriétaire, sur certains points où la population afflue, où de nouvelles voies de communication s’établissent, où la densité et la mobilité sociales augmentent[1]. Mais il faut savoir que, toutes proportions gardées, ces plus-values d’origine sociale sont la règle et non l’exception[2]. Alors même que tout ce qu’il y a d’utilisable dans l’objet, sa valeur d’usage, serait l’œuvre propre de l’individu qui l’offre, la valeur que cet objet prend sur le marché, sa valeur d’échange, ne saurait être œuvre personnelle.

D’ailleurs, comment soutenir que même la valeur d’usage d’un objet puisse être œuvre purement personnelle ? Encore faut-il faire entrer en ligne de compte, d’abord, les matériaux que l’homme a pu ouvrager. Toute production humaine n’est qu’une transformation de ressources naturelles. Plus ou moins indirectement, tous les objets que nous utilisons sortent des entrailles de la terre. Tous contiennent une « parcelle du sol[3] ». Cette parcelle, quelque métamorphose que mon travail lui ait fait subir, continue d’être une partie constitutive de la valeur des objets qui sortent de mes mains.

  1. V. Belot, art. cité, p. 218.
  2. V. Hobson, Soc. Probl., livre II, chap. VI : Society as Maker of « Values ».
  3. Andler, introd. au livre de Menger, Prod. intégr., p. XXXVII.