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Page:Bouglé - Qu’est-ce que la sociologie ?, 1921.djvu/112

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QU’EST CE QUE LA SOCIOLOGIE ?

les actes de vigueur personnelle et morale ont tant d’influence pour entrer dans celle où l’on balance et suppute les masses, la plume à la main, où l’on peut calculer les résultats précis d’un mécanisme régulier. » Ce que l’on peut exprimer encore en disant que l’histoire s’absorberait peu à peu dans « la science de l’économie sociale ».

Il y a donc une phase post-historique comme il y a une phase pré-historique. Dans celle-là comme dans celle-ci l’influence perturbatrice, l’excentricité des rencontres particulières doit être plus rapidement compensée par le poids des « nécessités » ; les régularités des actions individuelles seront plus aisément saisissables ; et par suite ce qui tient aux constitutions sociales ressortira plus nettement. C’est dire que Cournot ne se contente pas de décrire les tendances les plus générales de l’évolution humaine ; il laisse entrevoir qu’à certaines de ses phases au moins on pourrait formuler, pour des cercles de phénomènes plus limités, des sortes de lois théoriques plus précises. C’est dire encore qu’il ne nous démontre pas seulement la nécessité d’une philosophie de l’histoire ; il indique la possibilité des sciences sociales.

Mais jusqu’où finalement ces sciences pourraient-elles espérer d’étendre leur conquête ? Pour en décider il faut analyser les procédés par lesquels Cournot lui-même démêle, non plus seulement des faits majeurs ou des tendances générales, mais des lois théoriques, et se demander dans quelle mesure ces procédés se laisseraient généraliser.