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Page:Bouglé - Qu’est-ce que la sociologie ?, 1921.djvu/116

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QU’EST CE QUE LA SOCIOLOGIE ?

la raison, encore mieux que nous ne comprenons pourquoi l’individualité vivante traverse des périodes analogues. Les plus anciens philosophes ont remarqué la loi et entrepris de l’expliquer. Ils nous ont dit comment chaque institution se corrompt et périt, pour être remplacée par une autre, destinée de même à corrompre et à périr. Les excès inévitables du pouvoir absolu font désirer la liberté. L’aristocratie se réduit, se concentre jusqu’à ce qu’on oublie les services des aïeux pour n’être plus frappé que des vices ou de l’orgueil de leurs descendants, et alors elle périt sous les colères populaires ou sous l’oppression d’un tyran. Les héros fondent des dynasties, et leurs successeurs, gâtés par la flatterie, usés par les plaisirs que procurent la grandeur et le pouvoir, en préparent la déchéance et la ruine. Les peuples n’échappent pas plus que leurs chefs à cette loi fatale : leur courage, leur frugalité leur donnent la victoire, et les fruits de la victoire les habituent au luxe et amollissent leur courage. La puissance qui s’est élevée quand il s’agissait de réunir les efforts contre un ennemi commun devient par ses succès mêmes et par l’orgueil qui en est la suite cet ennemi commun contre lequel tous les efforts se rallient. L’ardeur avec laquelle une nation se portait vers des entreprises possibles est remplacée par la lassitude et par la résignation à des conditions nouvelles qui rendraient les entreprises chimériques. De grands empires se forment, en absorbant les uns après les autres les petits États qui les entourent, et quand ce travail d’agglomération s’est opéré, un autre travail commence en sens inverse : les inconvénients de la centralisation se font sentir ; au fléau des petites guerres sans cesse re-