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Page:Bouglé - Qu’est-ce que la sociologie ?, 1921.djvu/115

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L’HISTOIRE ET LA SCIENCE SOCIALE

Pourquoi ce même procédé d’abstraction qui permet, quand il s’agit de la production ou de la consommation des richesses, de dégager les lois, ne réussirait-il pas, toutes choses égales d’ailleurs, sur d’autres terrains ? Il est vrai que tous les phénomènes ne se laissent pas, comme ceux dont traite l’économiste, évaluer en chiffres, et qu’ils se déroberaient à l’application utile des formules algébriques. Il n’en reste pas moins qu’on en démêle beaucoup qui varient, à n’en pas douter, en fonction les uns des autres. Encore que ces variations ne se laissent nullement exprimer sous ses formes mathématiques, il arrive souvent qu’on peut en assigner la raison théorique. Ce ne sont pas seulement des rapports constants ; ce sont des rapports qui se laissent déduire. Il y a donc là de véritables lois que la philosophie de l’histoire rencontre sur son chemin[1] et devant lesquelles elle aurait tort de ne pas s’arrêter.

C’est ainsi qu’un certain nombre des tendances générales qu’elle ne faisait que constater dans l’évolution des sociétés, elle peut les expliquer en se représentant de quelle manière, conformément à ce que l’expérience nous fait connaître de sa nature, doit réagir l’âme humaine. Nous avons vu que, tandis que les instruments de la civilisation générale vont en se perfectionnant sans cesse, le propre des choses qui caractérisent chaque civilisation particulière est de croître et de décroître en parcourant le cycle des âges, à l’instar des êtres doués de vie et auxquels la nature a assigné une fin inévitable. « Non seulement, remarque Cournot, l’observation constate cette loi générale, mais nous en comprenons

  1. Traité, II, 351.