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Page:Bouglé - Qu’est-ce que la sociologie ?, 1921.djvu/121

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L’HISTOIRE ET LA SCIENCE SOCIALE

à montrer comment l’orientation des sentiments et des croyances traduit la pression des conditions sociales.

Maintenant, continuerons-nous de penser que des pressions de ce genre ne se manifestent qu’aux phases extrêmes, post-historique ou pré-historique, du devenir humain ? Elles se laisseront peut-être moins aisément mesurer à la phase proprement historique, s’il est vrai que le champ laissé au hasard y est plus large. Mais rien ne permet de croire qu’elles y seront annihilées. Et il importe par conséquent de démêler les conséquences qu’elles tendraient normalement à produire. On ferait en effet fausse route en imaginant que l’apparition des hasards, et en particulier l’initiative des grands hommes arrêtent en quelque sorte les lois qui font varier tels sentiments ou telles croyances en fonction de telles formes sociales. Ou bien on ne rattache pas par un lien intelligible à ces interventions les conséquences qu’on leur attribue : on s’incline devant un mystère. Ou bien par ces interventions on explique réellement quelque chose : c’est qu’alors on fait allusion aux « couples » qu’elles déclanchent, aux forces dont elles ont suscité le développement par la mise en œuvre de leurs conditions d’existence. L’action d’un Luther, d’un Richelieu, d’un Napoléon ne devient ainsi intelligible que dans la mesure où l’on montre que tels antécédents étant rassemblés par leurs coups de volonté, telles conséquences devaient normalement se dérouler dans l’ordre des habitudes religieuses ou politiques, en vertu des lois plus ou moins nettement formulées qui enchaînent ces conséquences à ces antécédents. En d’autres termes, un événement de quelque nature qu’il soit n’est vraiment explicatif que si l’on y montre le metteur en œuvre d’un certain nombre de