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Page:Bouglé - Qu’est-ce que la sociologie ?, 1921.djvu/129

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LA DIVISION DU TRAVAIL

l’heureuse influence exercée, sur le progrès des sciences sociales, par les conquêtes des sciences naturelles. On sait en effet le grand rôle que celles-ci ont fait jouer au « principe de la différenciation », et comment elles ont montré, dans la vie des organismes supérieurs, un résultat de la collaboration des éléments entre lesquels les diverses fonctions se sont réparties. Ces découvertes reculaient notre horizon. Elles nous incitaient à voir, dans la division du travail, un phénomène d’une généralité que les économistes n’avaient pu soupçonner ; elles nous amenaient aussi, en nous le présentant comme antérieur à l’humanité même, à le concevoir comme moins « artificiel » qu’ils ne l’avaient conçu ; enfin en assimilant, de si loin que ce fût, la réalité sociale à la réalité organique, et en nous habituant à la considération de l’ensemble, elles nous aidaient à réagir contre l’excès de leur individualisme.

Mais il importe d’ajouter que si elles avaient voulu s’en tenir aux suggestions des sciences de la vie et calquer leurs théories sur les théories des naturalistes, les sciences sociales auraient piétiné, au milieu des métaphores stériles. Nous avons essayé de montrer que la « théorie organique », si elle avait pu à un certain moment aider les études sociologiques à dégager leur objet, restait en dernière analyse incapable de leur fournir des directions précises, et de résoudre aucun de leurs problèmes particuliers. Les formes sociales sont spécifiques, et singulièrement plus compliquées que les formes organiques. On ne saurait conclure de celles-ci à celles-là. Dans le cas qui nous occupe, l’analogie biologique ne pouvait faire penser qu’à l’une des formes que prend dans les sociétés la division du travail : au