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Page:Bouglé - Qu’est-ce que la sociologie ?, 1921.djvu/132

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QU’EST CE QUE LA SOCIOLOGIE ?

et leurs mœurs propres. Là aussi le travail est divisé sans doute, et la division en est parfois poussée extrêmement loin. Mais entre l’esclave qui, sur l’ordre du père et pour la seule famille, exécute telle ou telle besogne et l’ouvrier qui va offrir ses bras d’usine en usine, là où le poussent les fluctuations du marché universel, il y a tout un monde de révolutions économiques.

Ainsi, grâce à la conspiration de ces diverses disciplines, les milieux très différents que traverse la division du travail sont présents à nos esprits, — la famille, l’atelier, la manufacture, la machino-facture. D’une façon générale, la succession de ces milieux correspond à la succession des « phases » que les nouveaux économistes sont amenés à distinguer, d’après la nature des rapports qui s’établissent entre la consommation et la production : la phase de l’économie domestique, — où le groupe cherche à se suffire, produit pour lui-même et consomme sur place ; — la phase de l’économie urbaine — où les corps de métiers produisent pour d’autres que pour eux-mêmes, mais encore pour une clientèle restreinte et déterminée dont souvent ils attendent la commande et reçoivent la matière à façonner ; — la phase de l’économie nationale, — où l’industrie se procure elle-même la matière première et n’attend plus les commandes, où le commerce va offrir les produits à une clientèle inconnue, en les faisant circuler dans toute la société ; — la phase de l’économie mondiale enfin, — où l’on voit, avec l’extension quasi indéfinie du marché, la grande industrie multiplier et varier ses productions à outrance, guidée par la spéculation capitaliste.

À mesure qu’on passe d’une phase à une autre, à