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Page:Bouglé - Qu’est-ce que la sociologie ?, 1921.djvu/163

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LA DIVISION DU TRAVAIL

qu’en continuant son œuvre de subdivision des fonctions, elle harmonise et égalise.

Encore faut-il, afin que cette œuvre d’équité s’accomplisse, la réunion de certaines conditions préalables. Et pour peu qu’elles manquent, — M. Durkheim le reconnaît, — l’action bienfaisante de la division du travail est étroitement entravée.

Il importe par exemple, pour que la division des fonctions porte tous ses bons fruits, que ces fonctions soient aussi exactement adaptées que possible à la diversité des facultés, et à cette fin qu’elles soient choisies en toute liberté. S’il n’y a pas corrélation entre les métiers et les facultés, si nombre d’individus sont à chaque instant rebutés par leurs occupations quotidiennes, si leur profession est leur ennemie intime, si elle leur demande plus, ou moins, ou autre chose que ce qu’ils peuvent donner, il deviendra difficile d’harmoniser ces spécialisations manquées. Un malaise s’ensuivra, d’autant plus dangereux pour l’ordre social que cet ordre n’est plus soutenu par les traditions reçues, et que la conscience collective ne pèse plus de tout son poids, pour les réduire à la raison, sur les consciences individuelles ; c’est pourquoi, dans les sociétés où la division du travail est poussée très loin, il est si important que les individus soient vraiment libres dans leur vocation, qu’ils puissent chercher leur voie, essayer leurs forces, gagner la fonction à laquelle, la nature les prédispose.

Mais imaginez que, grâce à la situation économique de leurs parents, les uns jouissent d’une éducation développée, prolongée, raffinée tandis que les autres sont assujettis dès l’enfance à un travail manuel intensif,