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Page:Bouglé - Qu’est-ce que la sociologie ?, 1921.djvu/169

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LA DIVISION DU TRAVAIL

« inévitables », et se réalisent automatiquement. En fait, bien qu’elles se rencontrent toujours et partout, on pourrait soutenir qu’elles n’ont jamais encore été pleinement réalisées. Et ainsi M. Durkheim nous découvre moins ce que la division du travail produit en fait que ce qu’elle devrait produire, moins son effet nécessaire que son effet idéal.

Au vrai, il ne nous semble pas qu’on ait réussi à nous fournir, sur les conséquences de la division du travail, une opinion proprement et purement scientifique. Les jugements pessimiste ou optimiste que nous porterons sur elle dépendront sans doute toujours, en dernière analyse, des fins que nous proposerons à la vie, tant individuelle que sociale. Et que ces jugements de valeur doivent se modeler sur des jugements de réalité, que la connaissance des lois doive déterminer la position des fins, qu’une étude objective des différents « types » sociaux, en nous découvrant leur évolution normale et ce qui pour chacun d’eux, comme pour chaque espèce animale, constitue l’état de santé, doive nous dicter notre idéal, c’est ce qui ne nous paraît pas encore certain. Il y faudrait, en tout cas, des analyses et des comparaisons singulièrement plus nombreuses et plus approfondies que celles dont la sociologie dispose aujourd’hui.

La sociologie ne nous paraît donc pas prête, — si tant est qu’elle doive l’être jamais — à se substituer à la morale. Mais que celle-là puisse d’ores et déjà rendre des services à celle-ci, on s’en est sans doute rendu compte. Après les recherches que nous venons de résumer, la question de la division du travail ne reste plus comme extérieure à la morale, et abandonnée aux