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Page:Bouglé - Qu’est-ce que la sociologie ?, 1921.djvu/171

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LA DIVISION DU TRAVAIL

Bien plus, la préoccupation d’échanger se retrouvât-elle partout, elle ne suffirait pas encore à rendre compte de la division du travail. La fin ne crée pas les moyens. En admettant que les hommes aient compris que chacun d’eux aurait avantage à produire une chose que les autres ne produisent pas, encore faut-il qu’ils soient capables de différencier ainsi leur production, — ce qui suppose non seulement une diversité de métiers inventés, mais une diversité de facultés données.

Il est trop clair, en effet, que pour que les activités divergent, il faut que des routes multiples leur soient ouvertes. Tout de même qu’il n’y a pas de photographes sans plaques sensibles ou d’artilleurs sans canons, l’existence de certaines croyances et de certains rites est nécessaire à la formation d’une classe de prêtres, l’existence de certaines connaissances et de certaines recettes est nécessaire à la constitution du métier de médecin. En ce sens, — M. Tarde l’a plus d’une fois rappelé — l’invention est mère du progrès de la spécialisation comme de toutes les transformations économiques. La subdivision ou la création des professions dépend immédiatement des trouvailles, humbles ou grandioses, de l’esprit. Et là où il s’est façonné un instrument de découvertes qui ne s’arrête jamais, comme la science moderne, c’est alors surtout qu’on voit décupler, nous l’avons constaté, le nombre des professions distinguées. Leur multiplication est liée au perfectionnement de la technique.

Mais il ne suffit pas encore que de nouvelles possibilités soient ainsi offertes, et de nouveaux cadres ouverts aux activités des hommes. Il importe, pour qu’il en découle les avantages escomptés, que les activités don-