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Page:Bouglé - Qu’est-ce que la sociologie ?, 1921.djvu/177

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LA DIVISION DU TRAVAIL

veaux efforts pour s’assurer, par des moyens plus raffinés, une existence qui autrement deviendrait plus difficile ». Par là s’explique l’accroissement inouï de la division du travail dans nos sociétés : c’est qu’étant donnée leur forme, cette division devient pour leurs membres une nécessité vitale.

Ainsi la morphologie sociale, en dirigeant notre regard en dehors de nous-mêmes, nous découvre ce qui nous manquait jusqu’ici : une puissance déterminante, la cause motrice du progrès de la spécialisation.


Est-ce à dire, comme on a paru le croire quelquefois, que nous nous trouvions dès lors enfermés dans une théorie à la fois mécaniste et mystique de l’évolution sociale, qui ferait découler immédiatement les variations de la conduite humaine du mouvement spontané d’une réalité supérieure et extérieure aux individus, sans se préoccuper en particulier des causes naturelles ni surtout des causes psychologiques qui peuvent collaborer à cette évolution ?

Telles ne sont pas, nous semble-t-il, les conséquences de la théorie que nous résumons. Si elle se contentait de nous montrer que l’accroissement et la condensation de la masse sociale nécessitent la spécialisation des individus, sans nous dire comment, à l’aide de quels intermédiaires cela produit ceci, on pourrait retourner, pour s’en servir contre elle, l’objection qu’elle adressait aux théories précédentes ; elle nous montrerait bien pourquoi la division du travail est indispensable, non comment elle est possible. Mais en réalité l’explication proprement sociologique n’élimine pas les autres explications : elle les englobe en même temps qu’elle les