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Page:Bouglé - Qu’est-ce que la sociologie ?, 1921.djvu/178

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QU’EST CE QUE LA SOCIOLOGIE ?

complète. La cause mise en avant par la morphologie sociale n’exclut nullement les diverses influences favorables à la division du travail signalées jusqu’ici. Ces influences sont au contraire suscitées et stimulées par la forme même des sociétés ; elle utilise ces forces disponibles et en facilite le jeu. Elle rend la division du travail plus aisée en même temps qu’elle la rend plus nécessaire.

C’est ainsi que l’accroissement du volume et de la densité sociale favorise l’éclosion de cette diversité d’aptitudes utile à la spécialisation. Les réflexions de Spencer trouvent ici leur place : plus une société est étendue, plus les milieux naturels où elle se développe ont de chances d’être variés ; plus il y a de chances aussi pour que soient variées les aptitudes naturelles dont elle disposera. D’une façon plus générale, et indépendamment de la diversité des habitats — Darwin l’a remarqué, — plus les échantillons d’une même espèce sont nombreux, plus les variations individuelles sont probables. Ainsi, plus une société rassemblera de membres, et plus il est probable qu’il y naîtra des individus capables d’innover. D’ailleurs, comme le fait observer M. Coste, l’agent le plus puissant des variations de toutes sortes n’est-il pas la fécondation croisée ? On peut retrouver l’analogue de ce phénomène dans nos sociétés denses et mobiles où le métissage est la règle et où toutes les races se mêlent, pour le désespoir de l’anthroposociologie. Il y a donc des chances pour qu’on ne voie pas dans ces sociétés se former des races nouvelles, aux aptitudes nettement fixées par l’hérédité et dont la fixité même pourrait contrarier le progrès de la spécialisation. L’entrecroisement des hérédités y donnera lieu à des composés plus complexes, plus hétérogènes, plus instables ; c’est--