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Page:Bouglé - Solidarisme et libéralisme, 1904.djvu/10

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solidarisme et libéralisme

est la plus récente conquête de notre philosophie sociale.

Il y a bien, à vrai dire, quelque vingt ans que la solidarité circule à travers les écrits de nos professeurs. C’est en 1880 que le plus fin de nos pédagogues, Marion, analysait déjà, à côté de ces enchaînements d’habitudes qui gouvernent la vie individuelle, les retentissements d’influences qui sont la loi de toute vie sociale. Dès la première édition de son Manuel, M. Ch. Gide, le plus humain de nos économistes, en proclamant le « grand dégel » du libéralisme orthodoxe, insistait sur les devoirs de fraternité qu’impose aux hommes, jusque dans leurs relations d’affaires, leur interdépendance essentielle. Plus récemment enfin, le plus objectif de nos sociologues, M. Durkheim, dans son ouvrage sur la division du travail, mesurait par une méthode nouvelle la part qui doit être faite, dans la constitution de nos sociétés, à la « solidarité mécanique » qui opprime l’individu, et à la « solidarité organique » qui le libère. Ainsi, de divers côtés, s’élaboraient des formules directrices pour la doctrine nouvelle.

Mais tout ce travail se poursuivait dans l’ombre. Des discussions sur le sens ou les conséquences de la solidarité, l’opinion ne s’inquiétait guère : ce n’étaient que des pro-