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ques, poëme didactique en quatre chants, entrepris sur l’invitation de Mécène, où il décrivait les travaux des champs et le bonheur de la vie champêtre et relevait par d’admirables épisodes la monotonie du sujet ; puis l’Énéide, poème épique en douze chants, où il chantait l’origine des Romains, qui prétendaient descendre du Troyen Énée. Ces chefs-d’œuvre lui méritèrent de son vivant l’admiration universelle et les bienfaits de l’empereur. La sœur d’Auguste, Octavie, s’évanouit, dit-on, à la lecture du beau passage où le poète déplore la mort prématurée de son fils, le jeune Marcellus (au VIe livre de l’Énéide), et, en revenant à elle, elle lui fit compter dix grands sesterces pour chacun des vers de ce passage (en somme 52 000 fr.). Âgé de près de 50 ans, Virgile passa en Grèce, où il se proposait de faire un long séjour et d’achever son œuvre; mais, ayant rencontré Auguste à Athènes, il revint avec lui au bout de 3 ans. Il tomba malade à Mégare et mourut en abordant à Brindes en Calabre, l’an 19 av. J.-C. Son corps fut, d’après son désir, transporté à Pouzzoles près de Naples. On mit sur son tombeau ce distique qu’il avait composé à ses derniers moments :

Mantua me genuit ; Calabri rapuere ; tenet nunc Parthenope : cecini pascua, rura, duces.

Au moment de sa mort, le poète n’avait pas entièrement terminé l’Énéide, à laquelle il travaillait depuis 12 ans : par son testament il ordonna de jeter au feu cette œuvre inachevée ; mais Auguste s’opposa à ce que ce sacrilège fût consommé. Outre les Bucoliques, les Géorgiques et l’Énéide, on a sous son nom quelques petites pièces qui évidemment ne lui appartiennent pas, sauf peut-être le Moucheron (Culex), et trois ou quatre des Calalectes, essais de sa première jeunesse. Ce poète était aimé de tous les grands écrivains de son siècle, surtout de Varius et d’Horace. Ses contemporains vantent sa droiture et la pureté de ses mœurs. — Virgile a toujours été regardé, sinon comme le plus grand, du moins comme le plus parfait des poètes : son style est pur, facile, harmonieux, varié, toujours en rapport avec le sujet ; sa versification l’emporte infiniment sur celle de tous les poètes latins qui l’ont précédé. La qualité qui domine en lui, c’est la sensibilité. Bien que, sous le rapport de la force et de l’élévation, il puisse paraître inférieur à Homère, il ne lui cède point dans les livres IIe et VIe de l’Énéide ; les six derniers livres du poëme sont ce qui lui appartient le plus en propre ; ils brillent surtout par la couleur locale et par la connaissance approfondie des antiquités nationales ; toutefois c’est avec quelque raison qu’on reproche à ce poëme une action double. Les Églogues de Virgile sont inférieures à celles de Théocrite : on y sent trop l’imitation ; cependant la 10e, la 4e et surtout la 6e sont de la plus haute beauté. Pour les Géorgiques, tout le monde reconnaît que c’est le chef-d’œuvre des poèmes didactiques. Virgile a eu parmi les anciens un excellent commentateur, Servius. Les éditions de ce poète sont innombrables. On remarque surtout celles de Venise, 1482, avec les Commentaires de Servius ; celle des Aldes, Venise, 1519 ; du P. Larue, ad usum Delphini, Paris, 1682, avec une paraphrase fort utile ; de Burmann, Amst., 1746 ; celle de Heyne, Leipsick, 1800, 6 vol. grand in-8, reproduite avec d’utiles additions dans les Classiques latins de Lemaire, Paris, 1819, etc., 7 vol. in-8 ; celle de Forbiger, Leips., 1836 et 1852, 3 vol. in-8, enfin celle d’E. Benoist, 3 vol. in-8, Paris (1867-1872). Une édition de luxe a été donnée par P. Didot le jeune, Paris, 1798, grand-in-fol., avec des gravures d’après Girard et Girodet. Les traductions de Virgile sont très-nombreuses. En français on distingue, en prose : celles de Marottes, Desfontaines, Binet, Morin, De Guerle, De Lestre, Pongerville, Pessonneaux ; celle de Villenave et Charpentier (dans la collect. Panckoucke, 1833-35), d’Aug. Nisard (dans la collect. D. Nisard) ; en vers, celles de Delille (la meilleure de toutes), de Cournand, Gaston, Mollevaut, Becquey, Barthélemy, Duchemin, H. Cournol. La traduction de Delille comprend les Géorgiques et l’Énéide. MM. Didot, Lauwereyns et Tissot ont traduit en vers les Bucoliques seules. On doit à Malfilâtre le Génie de Virgile, à Tissot et à Ste-Beuve des Études sur Virgile, à M. Eichhoff des Études grecques sur Virgile, qui offrent des rapprochements pleins d’intérêt. Ludewig a donné une Clavis Virgiliana, Berlin, 1805.

VIRGILE (S.), moine de Lérins, puis évêque d'Arles en 588, fut envoyé comme vicaire du pape dans les royaumes de France, de Bourgogne et d'Austrasie, et m. en 624. Il est hon. le 10 oct.

VIRGILE (S.), évêque de Salzbourg en 764, d'une famille noble d'Irlande, fut censuré par le pape Zacharie pour avoir avancé qu’il y a sous terre un autre monde et d'autres hommes, un autre soleil et une autre lune (ce que quelques-uns ont à tort entendu des antipodes). Mandé à Rome, il rétracta son erreur et fut peu après sacré évêque (766). Il établit la foi en Carinthie, et mourut saintement, en 784. Grégoire IX le canonisa : on l'hon. le 27 nov.

VIRGILE (Polydore), historien, né vers 1470 à Urbin, mort en 1555, reçut les ordres sacrés, professa les belles-lettres à Bologne, fut chargé par le pape Alexandre VI d'aller recevoir le denier de S. Pierre en Angleterre, plut au roi Henri VII, qui le nomma archidiacre de Wells (1507), et revint en 1550. On a de lui : Anglicæ historiæ libri XXVI, Bâle, 1534; De inventoriobus rerum, necnon de prodigiis, Amst., 1571, trad. par Belleforest, 1582.

VIRGINIE, jeune plébéienne d'une grande beauté. Appius Claudius, l'un des Décemvirs, s'éprit d'elle et voulut s'emparer de sa personne. Virginius, son père, qui était alors à l'armée, où il occupait le rang de centurion, averti à temps, accourut en hâte, et se présenta au Forum dans le moment où Appius Claudius allait la livrer à un de ses affranchis qui, par son ordre, l'avait réclamée comme son esclave. Le malheureux père, tirant alors sa fille à l'écart, saisit un couteau à l'étal d'un boucher, et le lui plongea dans le cœur pour la soustraire à l'opprobre. Cet événement souleva le peuple et fit abolir le décemvirat, 449 av. J.-C. La mort de Virginie a été mise sur la scène par Mairet (1628), Leclerc (1645), Campistron (1683), la Beaumelle, Chabanon (1769), La Harpe, Leblanc du Guillet (1786), Guiraud (1827), Latour St-Ybars (1845), etc. Alfieri et Lessing ont aussi traité ce sujet.

VIRGINIE (LA), un des États-Unis de l'Amérique du Nord, a pour bornes au N. le Maryland et la Pensylvanie, au S. la Caroline sept. et le Tennessee, à l'O. le Kentucky et l'Ohio, à l'E. l'Atlantique : 525 kil. de l'E. à l'O. sur 310 de moyenne largeur; 1 596 318 hab. (dont au moins 500 000 esclaves); capitale, Richmond. Les monts Alleghany et Blue-Ridge la coupent en deux parties égales, dites district oriental et district occidental. Elle est arrosée par l'Ohio et quelques-uns de ses affluents, par le Potomak, le Rappahannok, et est sillonnée par de nombreux chemins de fer. Climat très-varié, fort chaud sur une foule de points. Sol très-fertile dans les plaines. Beaucoup de bestiaux; grains, tabac renommé, coton, etc. Riches mines d'or ; fer, plomb, cuivre, carrières. Industrie active : tissus, sel, salpêtre, poudre, armes, fonderie, sucre. Commerce très-florissant. — La Virginie est un des 13 États primitifs de l'Union. Le pays fut visité par Verazzani vers 1524. Les Anglais s'y établirent en 1584, sous la conduite de Walter Raleigh, et lui donnèrent le nom qu'il porte en l'honneur de la reine vierge, Élisabeth. Le nom de Virginie s'étendit d'abord à toute la contrée au N. de la Floride. La création de la Caroline (1622) et celle de la Pensylvanie (1682), formées aux dépens de cette Virginie primitive, restreignit son étendue au N. et au S., et la réduisit à ce qu'elle est aujourd'hui. La