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MERLIN L’ENCHANTEUR

la plus chaude et la plus luxurieuse de toute la Grande Bretagne. Merlin lui avait enseigné l’astronomie et beaucoup d’autres choses, et elle s’y était appliquée de son mieux : de façon qu’elle était devenue bonne clergesse et qu’on l’appela plus tard Morgane la fée à cause des merveilles qu’elle fit. Elle s’exprimait avec une douceur, une suavité délicieuses, et elle était plus débonnaire et attrayante que personne au monde, lorsqu’elle était de sang-froid. Mais, quand elle en voulait à quelqu’un, il était difficile de l’apaiser, et on le vit bien par la suite, car celle qu’elle aurait dû le plus aimer, elle lui fit tant de peine et de honte que tout le monde en causa : et ce fut la reine Guenièvre. Le conte ne parle pas de cela à cet endroit, car il en sera devisé plus loin ; et ce serait dommage de démembrer un si bon conte : il faut le laisser aller son train.

Quand Guyomar entra dans la chambre où Morgane était, il la salua bien doucement en lui disant que Dieu lui donnât bonjour, et elle lui rendit son salut débonnairement et comme celle qui a la langue bien pendue. Alors il s’assit auprès d’elle. Elle dévidait du fil d’or dont elle voulait faire une coiffe pour sa sœur, la femme du roi Lot d’Orcanie : il se mit à l’aider en lui demandant à quel ouvrage elle travaillait, et à la mettre en paroles sur diverses choses.

Il était beau chevalier, gracieux et bien fait, riant, blond de cheveux et agréable de