Page:Boulenger - Romans de la table ronde I.djvu/25

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
9
LE NOURRISSON QUI PARLE

vous, et pourtant je ne l’ai pas méritée, mais qui voudrait croire la vérité ?

À ces mots, le poupon la regarda en riant et lui répondit :

— Tu ne mourras pas de mon fait.

En entendant parler son enfant au maillot, la mère fut si ébahie, qu’elle ouvrit les mains et le laissa choir. Il se mit à vagir et à hurler, et les commères accoururent, croyant qu’elle avait voulu le tuer. Mais elle les détrompa en leur expliquant la merveille. Alors elles prirent le poupon ; pourtant elles eurent beau l’interroger : elles n’en tirèrent mot. À la fin, sur le conseil de la mère, elles feignirent de la rudoyer et elles lui dirent durement :

— Quel malheur que votre beau corps doive être brûlé pour cette créature ! Il vaudrait bien mieux que cet enfant ne fut jamais né !

— Vous mentez, cria tout à coup le nourrisson, et dites ce que ma mère vous fait dire. Laissez-la en paix ; vous êtes plus folles et plus pécheresses qu’elle. Nul ne sera assez hardi, tant que je vivrai, pour faire justice d’elle, hors Dieu.

Voilà les commères, émerveillées à leur tour, qui s’empressent de courir à la fenêtre et d’annoncer aux gens du dehors la nouvelle du poupon qui parlait. Le bruit en vint tôt aux oreilles du juge qui fit amener la mère pour la juger. Naturellement, elle eut beau lui répéter que nul homme ne l’avait approchée, il n’en