Page:Boulenger - Romans de la table ronde I.djvu/26

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
10
MERLIN L’ENCHANTEUR

voulut rien croire, et il allait la condamner, lorsqu’on entendit le petit Merlin, qu’elle tenait dans ses bras, s’écrier :

— Ce n’est pas de si tôt qu’elle sera brûlée ! Car si l’on condamnait au feu tous ceux et celles qui se sont abandonnés à d’autres que leurs femmes et leurs maris, il ne serait guère de gens ici qui n’y dussent aller ! Je le ferais bien voir, si je voulais. Et je connais mieux mon père que vous le vôtre, et votre mère sait mieux de qui elle vous a conçu, que la mienne ne sait qui m’a engendré.

À ces mots, le juge fut tout ébahi, mais en même temps fort courroucé, et il envoya quérir sa propre mère sur-le-champ, déclarant que, si Merlin ne prouvait ce qu’il osait avancer, il serait brûlé avec la sienne.

— Si vous m’en croyiez, dit l’enfant, vous laisseriez aller ma mère et ne feriez aucune enquête sur la vôtre.

— Tu ne te sauveras pas si facilement ! répliqua le juge. Mère, demanda-t-il quand la dame fut arrivée, ne suis-je le fils de votre loyal époux ?

— Par Dieu, beau fils, de qui seriez-vous donc né, sinon de mon seigneur qui est mort ?

— Dame, dame, reprit l’enfant, il faut confesser la vérité.

— Diable ! Satan ! fit la dame en se signant, est-ce que je ne la dis pas ?