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LE CERF À DIX CORS

un cerf à dix cors, d’une hauteur merveilleuse, qui se faisait chasser dans les rues de Rome. Tout le peuple le poursuivait à grands cris et huées. Ayant assez couru, le cerf franchit la maîtresse porte du palais suivi des chasseurs, entra dans la salle, renversant les tables, les vins, les viandes, les pots et la vaisselle, s’agenouilla devant l’empereur et dit :

— Julius César, laisse tes pensées, qui ne te valent rien : car tu ne trouveras personne qui t’explique ta vision, hors l’homme sauvage.

Là-dessus, les portes qu’on avait pourtant fermées derrière lui s’ouvrent toutes seules, et le cerf s’enfuit à nouveau, court par les rues, toujours chassé, gagne les champs, et s’évanouit comme par enchantement.

L’empereur fut bien courroucé quand il apprit que l’animal avait échappé. Il fit crier par la ville que celui qui lui ramènerait soit l’homme sauvage ou le cerf, aurait sa fille et la moitié de ses terres, pourvu qu’il fût gentilhomme. Aussitôt maints riches damoiseaux de monter à cheval et de courir les bois de Romanie ; mais nul ne trouva rien et il leur fallut revenir. Seul demeura Grisandole le sénéchal, qui était parti avec eux. Huit jours, il erra dans une haute forêt. Une fois qu’il était descendu de son cheval pour prier Notre Seigneur de le guider dans sa quête, le cerf lui apparut soudain et lui dit :