Page:Boulenger - Romans de la table ronde I.djvu/60

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
44
MERLIN L’ENCHANTEUR

— Avenable, tu chasses la folie, car tu ne trouveras pas ce que tu cherches si tu n’apportes chair de porc, purée au poivre, lait, miel et pain chaud. Amène avec toi quatre compagnons et un garçon qui fera cuire la viande devant le feu. Puis tu dresseras le repas sur une table dans l’endroit le plus retiré de la forêt. Vous vous cacherez tout auprès, et vous verrez l’homme sauvage.

Là-dessus, le cerf s’enfuit, et Grisandole de remonter à cheval et d’aller chercher ce qu’on lui avait dit. La viande grilla sous un beau chêne, et le fumet qui s’en répandit dans toute la forêt attira bientôt l’homme sauvage. Quand ils le virent, Grisandole et ses compagnons faillirent, de frayeur, perdre le sens. En effet, il avait la tête grosse comme celle d’un veau, les yeux ronds et saillants, la bouche fendue jusqu’aux oreilles, des lèvres épaisses, toujours entr’ouvertes, qui laissaient passer ses dents, les pieds retournés et les mains à l’envers, les cheveux noirs, durs et si longs qu’ils tombaient sur sa ceinture ; il était grand, courbé, velu et vieux à merveille, vêtu d’une peau de loup ; et ses oreilles, larges comme vans, pendaient jusqu’à ses genoux, de manière qu’il pouvait s’en envelopper quand il pleuvait ; enfin il était si laid à regarder qu’il n’était homme vivant qui n’en dût avoir grand’peur. Il avançait en frappant les chênes à grands coups de sa massue, et il me-