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MERLIN L’ENCHANTEUR

leurs palefrois, comme damoiseaux jeunes et tendres qui veulent éviter la lourde chaleur de midi, chapeaux de fer en tête, toutefois, et l’épée à l’arçon, car le pays n’était point sûr ; et ils étaient suivis d’une troupe d’écuyers, tous jouvenceaux de première barbe, et de garçons à pied, menant leurs destriers couverts de fer et les sommiers chargés du bagage.

Galessin, qui était très amoureux, se mit tout à coup à chanter merveilleusement un air nouveau, et sa voix faisait retentir au loin les bois et les prés très plaisamment. Puis il pria Gaheriet de chanter avec lui. Et, quand ils furent las, il demanda à ses compagnons :

— Ores me dites, si vous teniez une belle pucelle, ce que vous en feriez.

— Qu’Agravain réponde d’abord, répliqua Guerrehès : il est mon aîné.

— Par Dieu, fit Agravain, si le cœur m’en disait, je lui ferais l’amour malgré qu’elle en eût.

— Par Dieu, fit Gaheriet, je n’agirais pas ainsi : je la mènerais en sûreté. Et vous, Guerrehès, qu’en feriez-vous ?

— J’en ferais m’amie, s’il lui plaisait, mais je ne la forcerais point, car le jeu ne serait pas beau, s’il ne lui agréait aussi bien qu’à moi.

— Gaheriet a dit le mieux et Agravain le pis, s’écria Gauvain, car celui qui la verrait attaquer, ne la devrait-il pas défendre à son pouvoir ?