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GUENIÈVRE DE CARMÉLIDE

la coupe du roi, et tandis qu’elle la lui tendait, agenouillée devant lui, il regardait ses seins durs comme pommelettes et sa chair plus blanche que neige nouvelle, et il la convoitait si fort qu’il oubliait le boire et le manger. Il tourna légèrement son siège pour que ses voisins n’en vissent rien, mais Guenièvre s’en aperçut très bien.

— Sire damoisel, buvez, lui dit-elle, et ne m’en veuillez point si je ne vous appelle par votre nom, car je l’ignore. Ne soyez point distrait à table, car vous ne l’êtes point aux armes, comme il y parut assez aujourd’hui.

Alors il prit la coupe et but. Puis il la pria de s’asseoir en disant qu’elle avait été trop longtemps à genoux. Mais Léodagan ne le voulut souffrir.

Lorsque les nappes furent ôtées, le bon roi vint se placer à côté de Ban, qui lui dit :

— Sire, je m’étonne que vous n’ayez pas encore marié votre fille à quelque haut homme, car elle est très gente pucelle et sage, et vous n’avez d’autre enfant à qui votre terre puisse échoir après votre mort ; vous devriez déjà vous être pourvu.

— Voire, sire, répondit Léodagan ; mais la guerre m’a empêché ; il y a sept ans que le roi Claudas de la Déserte ne cesse de me guerroyer. Certes, si Dieu voulait que je trouvasse quelque prud’homme qui put me défendre, je lui donnerais ma fille et toute ma terre après moi,