Aller au contenu

Page:Bouniol - Les rues de Paris, 1.djvu/289

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avoir gardé le secret ; qui vous enlèvent par la sublime fierté du langage, la force et la vivacité des reparties jetées dans un alexandrin superbe dont le moule est d’airain. Ces merveilles de l’art nul homme de sens et de goût ne les conteste ; mais faut-il nier pour cela les longueurs et les fastidieuses redites de ce rôle inutile et ennuyeux de l’Infante ? La morale de la pièce mérite un blâme plus sévère encore. Qu’est-ce au fond que ce devoir auquel obéissent les principaux personnages en se sacrifiant eux et les leurs avec une résolution inexorable ? Qu’est-ce que « cet honneur » qui revient à chaque instant sur leurs lèvres ? L’orgueil, rien que l’orgueil, un orgueil féroce, qui, foulant aux pieds toute religion, toute morale, estime le pardon des injures une suprême lâcheté, et après un soufflet reçu, ne voit que la vengeance, et prompte, et se juge avili, déshonoré, indigne de vivre si l’affront n’est pas lavé dans le sang. Ces maximes si profondément anti-chrétiennes s’étalent dans les plus beaux vers, triomphent partout dans la pièce qui est, avec la glorification d’une passion amoureuse, celle plus condamnable du duel, et du duel à outrance :

    Ce bras, jadis l’effroi d’une armée ennemie,
    Descendait au tombeau tout chargé d’infamie,
    Si je n’eusse produit un fils digne de moi,
    Digne de son pays et digne de son roi.
    Il m’a prêté sa main, il a tué le comte,
    Il m’a rendu l’honneur, il a lavé ma honte.

S’écrie le père de Rodrigue. Or, ne peut-on pas admettre que Richelieu, cardinal et assez bon théologien,