surtout grand homme d’état, ait pris ombrage de tout cela, lui qui comme ministre, combattait avec tant d’énergie ce malheureux préjugé, ce crime du duel qui de son temps avait fait un trop grand nombre de victimes ? Quoi d’étonnant à ce qu’il eût été choqué comme d’une atteinte à l’autorité aussi bien qu’à la religion de toutes ces fausses et sauvages maximes, débitées au théâtre avec audace et accueillies par des applaudissements frénétiques, et que tel fut le principal motif de son irritation à l’endroit du Cid, bien plutôt qu’une mesquine jalousie littéraire.
Cette opinion nous paraît d’autant plus vraisemblable que, tout en déférant à l’Académie le jugement de la fameuse pièce, il rendait justice au mérite du poète, et lui continuait ses libéralités que Corneille « acceptait avec résignation », dit Victorin Fabre, non moins ingénieux et raffiné dans son interprétation que M. L. J. de la Nouvelle Biographie qui voit une ironie à peine dissimulée dans la dédicace si louangeuse des Horaces où Corneille dit à Richelieu : « C’est de votre Éminence que je tiens tout ce que je suis… Nous vous avons deux obligations très signalées, l’une d’avoir ennobli le but de l’art, l’autre de nous en avoir facilité la connaissance… J’ai souvent appris en deux heures (dans ses entretiens avec le cardinal) ce que mes livres n’eussent pu m’apprendre en dix ans ; c’est là que j’ai puisé ce qui m’a valu l’applaudissement du public, ce que j’ai de réputation, dont je vous suis entièrement redevable. »
Il y avait trop d’honnêteté dans le caractère de Corneille pour qu’on puisse supposer qu’il ne parlait pas sérieusement, réconcilié de bonne foi avec le cardinal.