Page:Bouniol - Les rues de Paris, 3.djvu/128

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ment dans une conférence au profit des blessés : « Je ne vous dirai pas, comme ou le répète trop, que vous êtes sublimes, que vous emportez l’admiration du monde ; non ! Je vous dirai simplement, ce qui est bien plus fort, selon moi, que vous êtes redevenus honnêtes ! Avec l’honnêteté a reparu un mot que je n’ai pas entendu vingt fois en vingt ans sur les boulevards, et que je trouve maintenant sur toutes les bouches ; c’est le mot devoir. Tous rencontrez un ami qui revient du rempart, fatigué, blêmi ; vous le plaignez : « Que voulez-vous, » mon cher, vous répond-il, il faut faire son devoir. »

« … Brave et cher Paris ! je m’étonne toujours d’entendre dire qu’il est triste d’aspect ! Paris triste ! Je ne l’ai jamais trouvé si beau ! Oui, ce Paris cerné, bloqué, bastionné, sans chemins de fer, sans spectacles, sans gaz, et se découronnant par ses propres mains des forêts qui l’environnent comme une veuve qui coupe sa chevelure en signe de deuil, ce Paris me semble mille fois plus brillant que dans ses beaux jours de fête !… Que dis-je ? plus brillant même que dans ces incomparables mois de l’Exposition universelle, où il donnait une hospitalité si loyale et si cordiale à ceux qui l’égorgent aujourd’hui. Car Paris alors n’exposait que son génie ; aujourd’hui, il expose aux yeux du monde quelque chose qui vaut mille fois plus que toutes les merveilles de l’industrie, de la science et de l’art : son âme. »

Un confrère de M. E. Legouvé, M. Vitet, auquel nous devons tant de beaux travaux sur l’art, faisant trêve à ses chères études, a écrit aussi sur Paris assiégé des pages éloquentes dont nous détachons avec bonheur ce frag-