Page:Bourget - Cruelle Énigme, Plon-Nourrit.djvu/35

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midi et soupe à six. Deux fois la semaine, « ces dames de Trans, « comme disait le général, passaient la soirée chez leurs cousines. Elles rentraient ces soirs-là rue de Monsieur à dix heures, et leur domestique venait les chercher avec le paquet de leurs socques et une lanterne, afin qu’elles pussent traverser sans danger la cour de l’hôtel Liauran. La comtesse de Trans et ses trois tilles avaient des visages de paysannes, hâlés et semés de taches de rousseur. Leurs costumes étaient coupés à la maison par des couturières que leur désignaient des religieuses. Leurs goûts de parcimonie étaient écrits dans la mesquinerie de tout leur être, et un détail révélait leur aristocratie native : leurs mains charmantes et leurs pieds délicieux, que ne parvenaient pas à déshonorer des chaussures de confection, achetées dans une pieuse maison de la rue de Sèvres. Le contraste le plus singulier s’établissait entre ces quatre femmes et un autre cousin, venu, celui-là, du côté de la seconde Marie-Alice, George Liauran. Ce dernier représentait, dans le salon de la rue Vaneau, les grandes élégances. C’était un homme de quarante-cinq ans, lancé dans un monde très riche avec une fortune d’abord moyenne, puis grossie par de savantes spéculations de Bourse. Il avait son appartement au cercle Impérial, où il déjeunait, et chaque