Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/212

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coupable dans sa folie, qui avait déjà traversé son esprit en démence !… Il en fut hanté dans ce salon de fête avec une intensité accrue par son effort de ces dernières semaines, au point d’oublier où il se trouvait, quelle surveillance inquiète il avait à redouter, enfin qu’il était un fiancé assis entre sa fiancée et la mère de cette fiancée, et ce lui fut comme un réveil d’entendre la voix d’Henriette lui dire tout bas, tandis que ce pur visage de vierge où il avait si longtemps lu l’espérance d’une vie nouvelle se tournait vers lui :

— « Je vois bien que vous souffrez. Cette petite fille vous rappelle trop votre pauvre sœur. Voulez-vous que nous nous en allions ? »

— « Non, » répondit-il en se forçant à un sourire, « c’est déjà fini. Vous savez, c’est toujours une plaie un peu malade que ce souvenir… »

— « Cher Francis !… » dit Henriette, avec une pitié si délicate dans ses beaux yeux d’un bleu loyal, qu’il détourna les siens. Il était donc rentré, malgré ses résolutions, dans le chemin maudit du mensonge. Car c’était deux fois mentir que d’attribuer son trouble à la noble cause qu’Henriette croyait deviner, et d’accepter cette charité dont il eût dû avoir horreur, et qui pourtant lui fut douce. Il avait tant besoin d’être plaint, et tant besoin en même temps de s’abandonner aux sensations qui le remuaient, qu’il