Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/213

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refusa une seconde fois l’offre de remonter dans l’appartement que Mme Scilly lui renouvela :

— « Ne restez pas pour moi, » fit-elle ; « ces chansons de Naples m’amusent toujours, mais qui en a entendu une en a entendu cent… »

— « Celles-ci sont par extraordinaire à peu près inédites, » répondit le jeune homme, « et les musiciens sont assez bons, ce qui est plus extraordinaire encore. — Et puis quels mimes incomparables, il faut que je l’avoue moi-même !… Voyez ce gros, quelle bonne et large face d’honnête canaille, et ce maigre, quelle bouffonnerie dans le sérieux de son masque immobile !… Je suis sûr qu’ils ont chanté et dansé dans des hôtels semblables à celui-ci plusieurs milliers de fois, et ils s’amusent vraiment pour leur propre compte… Et le public vaut les acteurs… Des Anglais regardant parader des Napolitains, c’est toute l’admiration et tout le mépris à la fois que le Nord éprouve pour le Midi… Il y a une vieille lady en bonnet, là-bas, à droite, avec des joues où il tient quatre générations de buveurs de porto. Comme sa respectabilité s’épanouit au contact de ces bohémiens !… C’est délicieux… »

Il parla ainsi longtemps, avec une verve forcée, afin de bien prouver que son trouble de tout à l’heure était fini. Avec cette excitation de causerie, il essayait de tromper, non seulement ses confiantes voisines, mais lui-même, mais