Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/330

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en prenant la main du jeune homme et en la lui serrant.

— « Si je pouvais !… » s’écria-t-il avec un accent déchirant. Lorsqu’on étouffe de silence comme lui et depuis des jours, une sympathie exprimée avec cette délicatesse nous remue trop profondément ! Elle nous entre trop avant dans le cœur. Nous avons un tel besoin d’être plaints, que ce cœur s’ouvre tout entier pour recevoir cette pitié qui lui arrive, et, ainsi ouvert, l’aveu que nous voulions le plus retenir s’en échappe, comme les larmes tombent des yeux, irrésistiblement. Quant a Mme Scilly, ce cri jeté par Francis acheva de lui faire comprendre qu’il ne s’agissait pas entre les deux jeunes gens d’une de ces querelles d’amoureux, dont les chagrins puérils font sourire et soupirer à la fois les personnes de son âge. Un drame intime se jouait entre eux, qu’elle ne soupçonnait même pas. Elle s’assit auprès du jeune homme sans lâcher sa main et elle insista, car elle sentait, avec son instinct de femme, qu’il allait s’abandonner, à condition qu’elle trouvât, pour lui prendre son secret, les mots vraiment justes :

— « Si vous pouviez !… Mais n’êtes-vous pas mon fils ? Ne suis-je pas votre mère ?… J’en ai pour vous toute la tendresse. J’en aurai pour vous toute l’indulgence. Si elle était là, votre véritable mère, garderiez-vous ce pli sur votre front, cette tristesse dans vos yeux, ce silence sur