Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/74

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compte que tout leur amour avait changé au premier nom propre prononcé entre lui et Pauline, qui avait fixé, comme cristallisé, les éléments flottants de sa défiance. C’était de nouveau à un de leurs rendez-vous, et au coin de sa cheminée, dans la garçonnière de hasard qu’il avait à demi installée après la mort de sa sœur. Il ne se doutait guère qu’il n’achèverait jamais de la meubler et qu’il la quitterait si vite pour n’y plus retrouver le spectre de pareilles heures. Ils avaient été, ce jour-là, particulièrement heureux. Pauline était gaie et rieuse, avec une enfantine malice dans ses yeux clairs, et voici que d’elle-même elle se mit à détailler sa soirée de la veille. Elle s’était trouvée à table chez une de ses amies à côté d’un certain baron Armand de Querne qui cherchait sans doute à se rapprocher d’elle, car il se faisait inviter depuis quelque temps un peu dans tous les endroits où elle allait.

— « Je crois, » dit-elle, « qu’il aurait bien l’idée de me faire la cour. Il n’ose pas, — et que cela m’amuse de le voir tourner autour de compliments qu’il ne sait pas finir ! Il a de l’esprit, et il ne devine pas que je suis gardée par mon cher bonheur… »

— « J’espère, » répondit Francis, « que vous n’allez plus le recevoir… »

— « Moi, » fit-elle, « et pourquoi cela ? Pour avoir l’air d’en avoir peur et le rendre tout à fait