Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/75

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amoureux ? Tu peux en croire mon tact de femme. Dans ces sortes de choses, le vrai moyen pour nous est de take no notice, comme disent les Anglais… » Puis, comme il se taisait, elle le regarda avec des yeux tristes, cette fois, et ce fut d’une voix un peu altérée qu’elle ajouta : — « Mon ami, est-ce que tu n’as pas confiance en moi ? » Et, comme il continuait à se taire, elle reprit, avec un accent qu’il ne lui connaissait pas : — « Je t’en conjure, mon Francis, ne m’inflige jamais cet affront… J’ai commis une si grande faute en me donnant à toi ! Ah ! Ne me fais jamais penser que tu ne m’estimes pas à cause de cela. Je souffrirais tant que j’en deviendrais mauvaise. Notre bonheur est à ce prix : que tu saches bien comme les choses sont et que je t’aime pour toujours et uniquement. Si tu en doutais, vois-tu, je serais désespérée, parce que je ne pourrais rien te prouver, séparés comme nous sommes… »

— « Si je te demandais pourtant de me sacrifier quelqu’un ? » avait-il insisté.

— « Te sacrifier quelqu’un ? Mais je ne pourrais pas, » avait-elle répondu en se forçant à sourire. « Il faudrait que je tinsse à qui que ce fût en dehors de toi, et ce n’est pas possible… »

— « Tu me comprends parfaitement…, » avait-il repris, froissé malgré lui par cette manière d’éluder sa question. Ces souplesses féminines,