Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/177

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appartenait au même monde que le vieux Bois-Dauffin ; Paul, auditeur au Conseil d’État, beau danseur, charmant cavalier, paraissait fait pour elle comme elle paraissait faite pour lui. Bref, ils formèrent, pendant ces deux premières années, ce que l’on appelle en langue de salon le plus « joli ménage » : ce fut un tourbillon de bals, de soupers, de parties de théâtre, de chasses d’automne et de fêtes d’été, dans lequel l’un et l’autre se complurent follement. Paul définissait lui-même le genre de relations qui l’unissaient à sa femme, à travers ces plaisirs continuels : « Tu es jolie comme une maîtresse, » lui disait-il en l’embrassant, dans le coupé qui les ramenait, vers une heure du matin. Le quatre septembre fit s’écrouler cette féerie. Les deux familles avaient vécu d’après le même principe, sur de gros traitements qui se trouvèrent du coup supprimés, sans que d’ailleurs cette diminution subite changeât rien aux habitudes. Jusqu’à sa mort, survenue en 1873, Bois-Dauffin demeura convaincu de la toute prochaine restauration d’un régime qu’il avait vu si fort, si bien muni d’hommes et si populaire. L’ancien sénateur, qui survécut peu à son ami, partageait les mêmes utopies. Paul avait, bien entendu, démissionné du Conseil d’État. Il possédait plus encore que son père et que son beau-père, cette foi