Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/262

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jour où vous verrez que je suis prêt à enfreindre l’engagement que je prends ici ?

Mon Dieu ! que les phrases me manquent ! Mon cœur tremble à l’idée que vous lirez ces lignes, et voici que je puis à peine les tracer. Que répondrez-vous ? Me rappellerez-vous dans ce sanctuaire de la rue Murillo où vous m’avez été si bonne déjà, si complètement douce et bonne que songer à ces minutes, passées là auprès de vous, c’est comme me parer le cœur avec un lis ? Ah ! dans ce cœur il n’y a pour vous que dévouement, admiration obéissante et prosternée. Dites, dites le mot : « Je vous pardonne. » Dites : « Je vous permets de me revoir. » Dites : « Essayez, essayons d’être amis. » Vous le diriez, si vous pouviez lire en moi jusqu’au fond. Et si vous ne le dites pas, ce ne sera ni un murmure, ni un reproche, ni rien que merci toujours. Un merci dans le martyre comme l’autre l’aurait été dans l’extase. Je comprends aujourd’hui que souffrir par ce qu’on aime est encore un bonheur ! …

      • * *

Il était six heures du soir, quand le jeune homme jeta cette lettre à la boîte. Il regarda l’enveloppe disparaître. Elle n’était pas plutôt échappée de sa main qu’il se mit à regretter de