Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/275

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Tandis que la jeune femme posait cette question, un si entier dévouement éclatait sur son visage, ses yeux exprimaient une si vive, une si vraie tendresse pour son frère, qu’elle apparut à ce dernier comme un ange sauveur au sortir des troubles de cette cruelle nuit. Ces mots de rupture qu’il n’osait pas formuler lui-même, qu’il ne savait pas écrire, pourquoi ne chargerait-il point Émilie de les prononcer ? Avec la précipitation dont sont coutumiers les caractères faibles, il n’eut pas plutôt entrevu ce moyen d’action qu’il s’en empara presque fébrilement, et il se mit, les larmes aux yeux, à raconter l’état de détresse où il se trouvait par rapport à Rosalie. Tout ce que sa sœur ignorait de ses relations, il le lui révéla. Par une sorte de mirage intime comme en produisent les confessions, et à mesure que ce récit se détaillait, des sentiments nouveaux naissaient dans son cœur, venant à l’appui de sa résolution actuelle.— C’étaient ceux-là mêmes qu’il aurait dû éprouver à l’époque où il accomplissait les actes dont il se reconnaissait maintenant coupable. Quand il avait noué son intrigue, — intrigue innocente en fait, mais cependant clandestine, — il ne s’était pas dit que la stricte morale défend d’avoir un engagement secret avec une jeune fille, et que de l’habituer ainsi à tromper la surveillance de ses