Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/276

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parents constitue la plus dangereuse des éducations. Il ne s’était pas dit qu’un homme d’honneur n’a pas le droit de déclarer son amour avant d’avoir éprouvé la solidité de cet amour, et que si l’ardeur de la passion excuse bien des faiblesses, l’appétit de l’émotion ne fait qu’aggraver ces mêmes faiblesses. Ces reproches et d’autres encore lui venaient à l’esprit et aux lèvres, tandis qu’il parlait, et il reconnaissait aussi au visage d’Émilie combien il avait abusé cette sœur confiante. Dans un cercle d’étroite, d’absolue intimité, de telles dissimulations comportent un je ne sais quoi de profondément attristant pour les personnes qui en ont été les victimes. Mais si madame Fresneau éprouva cette tristesse voisine de la déception, elle la traduisit tout entière en sévérité contre la jeune fille, contre elle seule, et elle s’écria naïvement, lorsque son frère lui eut expliqué le service qu’il attendait d’elle :

— « Je ne l’aurais jamais crue si en dessous. »

— « Ne la juge pas mal, » fit René avec honte. Si toutes ces amours étaient demeurées cachées, à qui la faute ? Et il reprit : « C’est moi qui suis le coupable… »

— « Toi ! » dit Émilie en l’embrassant ! « Ah ! Tu es trop bon, trop tendre ! … Mais je ferai ce que tu veux, et je te promets d’avoir une