Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/341

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qu’après ma conduite elle me dit merci ? J’avais commencé de m’avilir en lui écrivant. Je continuai. J’ai connu alors une volupté inouïe et que je ne soupçonnais pas : celle de me dégrader pour elle, de mettre sous ses pieds toute ma dignité d’homme et d’artiste. Je lui écrivis une seconde fois, une troisième, une quatrième. Ma nouvelle parut, je lui écrivis encore, et des lettres, où je m’humiliais avec ivresse ; des lettres qu’elle pût montrer à Salvaney, à l’immonde Aline, et leur dire : « Il m’a quittée, il m’insulte, voyez comme il m’adore ! » Combien je l’aimais, est-ce que cette insulte même n’aurait pas dû le lui montrer ? — Mais non, vous ne la connaissez pas, René ; vous ne savez pas comme, avec tous ses défauts, elle est orgueilleuse. Ce qu’a dû être, pour elle, ce malheureux roman, je n’ose pas y penser, et voilà pourquoi je n’ose pas non plus revenir. Dans l’état de sensibilité malade où je me trouve, affronter une scène comme celles d’autrefois ne m’est pas possible ; et vivre sans Colette plus longtemps, c’est au-dessus de ce qui me reste de force. J’ai donc pris le parti de m’adresser à vous, mon cher René, pour aller en mission auprès d’elle. Je sais que vous lui avez toujours plu, qu’elle vous a de la vraie reconnaissance pour le joli rôle que vous lui avez fait ; je sais qu’elle vous croira quand vous lui direz : « Claude en meurt… Ayez