Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/342

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pitié de lui. » Dites-lui aussi, René, qu’elle n’ait plus peur de mon mauvais caractère. Le Larcher révolté qu’elle n’a pu supporter n’existe plus. Pour être auprès d’elle, pour vivre dans son ombre, l’avoir auprès de moi, je tolérerai tout, tout, vous entendez. Certes, les mois de cet hiver furent une époque de dure tristesse. Quel paradis à côté de cet enfer : l’absence ! Et puis, nous avions des heures divines, des après-midi passées chez elle à nous aimer, dans son appartement de la rue de Rivoli qui donne sur le jardin des Tuileries. La vie bruissait autour de nous, et je tenais ma chère maîtresse sur mon cœur. J’avais ses yeux, j’avais sa bouche, j’avais cette caresse triste et passionnée qu’elle seule sait donner… Voyez, mon écriture s’altère rien que d’y penser. Si j’ai pu vous être ami autrefois, comme vous me le disiez, rendez-moi ce suprême service d’aller la voir, montrez-lui cette lettre, parlez-lui, attendrissez-la. Qu’elle me permette de revenir auprès d’elle et qu’elle me pardonne. Adieu, j’attendrai votre réponse avec agonie, et vous savez ce qu’il peut tenir de souffrance dans cette machine à se torturer elle-même qui s’appelle votre vieil ami.

C. L.

P. S.— Passez donc au bureau de la Revue,