Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/344

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discrétion lui faisaient considérer comme une indélicatesse la simple phrase qu’il avait prononcée, lors de sa visite à Claude, malheureuse phrase qui lui avait attiré la sarcastique exclamation de son ami. Suzanne se trompa sur le sens de cette hésitation et elle insista :

— « Je suis sûre qu’il t’a dit du mal de moi ? »

— « Pour cela non, » répliqua René avec assurance. Il était trop habitué aux jeux de physionomie de Suzanne pour ne pas avoir remarqué le fond d’anxiété que ses prunelles claires avaient montré en lui posant cette seconde question, et, à son tour, il demanda : — « Comme tu te défies de lui ! Pourquoi ? »

— « Pourquoi ? » dit-elle avec un sourire, « c’est que je t’aime tant, mon René, et les hommes sont si méchants… » Puis, afin de détruire entièrement l’effet que son excessive défiance pouvait avoir produit sur le jeune homme : « Tu sais, » reprit-elle, « il faut aller chez mademoiselle Rigaud. »

— « C’est bien mon intention, » dit-il, « et dès ce soir, et toi ? … » interrogea-t-il, comme cela lui arrivait souvent, « que fais-tu de cette soirée ? »

— « Je vais au théâtre, moi aussi, » répondit-elle : « mais pas dans les coulisses. Mon mari me mène au Gymnase, en tête à tête… Pourquoi me fais-tu penser à cela ? J’aurai bien assez