Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/343

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prendre en mon nom cinq exemplaires de ma Nouvelle dont j’ai le placement ici.

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— « Est-ce assez lui ! … » se dit René après avoir lu cette étrange épître où se trouvaient comme ramassés en un faisceau les divers éléments qui formaient la personnalité composite de Claude : le goût de l’artificiel, le marivaudage en face des plus amères souffrances, et cependant une sincérité d’enfant, la plus susceptible vanité d’auteur et le plus ingénu sacrifice de toute prétention, le pouvoir de se connaître et l’impuissance à se diriger. « J’irai aux Français dès ce soir si Colette joue, » se dit René. Il acheta un journal et vit qu’elle jouait en effet. « Mais, » reprit-il, « comment me recevra-t-elle ? … » Il était si préoccupé des chances de cet accueil, et aussi des chagrins de cet ami tendrement aimé, qu’une fois arrivé à son rendez-vous, il ne put s’empêcher de raconter son inquiétude à Suzanne. Il lui fit même lire la lettre qu’elle lui rendit en lui disant :

— « Le pauvre diable ! … » et elle ajouta, comme au hasard : « Vous n’avez vraiment jamais parlé de moi ensemble ? »

— « Si, une fois en passant… » répondit René, après une hésitation. Depuis qu’il était l’amant de Suzanne, les scrupules de sa