Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/441

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elle aimait avec son corps, avec son esprit, avec tout son être ; elle le sentait à la fureur d’impatience où la jetait le train de sa voiture, pourtant rapide, à son épouvante que sa démarche se trouvât vaine. Elle reconnut la grille qui fermait l’entrée de la ruelle, avec une émotion extrême. C’était maintenant un coin vert et frais, grâce aux beaux arbres dont le feuillage frémissait derrière le mur du jardin, à droite, sous la caressante lumière de cette gaie après-midi du mois de mai. Non, elle n’était pas aussi troublée l’autre fois, quand elle avait demandé au concierge si M. Vincy était à la maison. Il y était cette fois encore. Elle sonna, et, comme l’autre fois, le tintement de la clochette lui résonna jusqu’au fond du cœur. Elle entendit une porte s’ouvrir, des pas s’avancer, tout légers, tout lestes. Elle se souvenait de l’approche de gendarme écoutée jadis à cette même place. Ce n’était pas la bonne qui venait lui ouvrir maintenant, ce n’était pas non plus René. Elle connaissait si bien le bruit particulier de sa démarche. Elle pressentit qu’elle allait se trouver devant la sœur de son amant, cette Émilie dont l’absence avait favorisé son autre visite. Elle n’eut pas le temps de raisonner sur les désavantages de cet incident inattendu. Déjà madame Fresneau, — c’était bien elle— avait entr’ouvert