Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/491

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— « Ah ! Colette, » s’écria Claude, « c’est toi qui l’as tué ! »

— « Non, » gémit l’actrice, hors d’elle-même, « ce n’est pas possible… Il ne mourra pas… Tu vois, le journal assure qu’il va mieux… Ne dis pas cela ! Je ne m’en consolerais pas… Est-ce que je savais, moi ? Je t’en voulais si fort… Tu avais été si dur… J’aurais tout fait pour me venger… Mais vas-y, cours-y… Tiens, ton chapeau, tes gants, ta canne.— Pauvre petit René, je lui enverrai des fleurs. Il les aimait tant… Et tu crois que c’est à cause de cette femme ? … »

Tout en parlant, avec cette incohérence où se trahissait à la fois son émotion de bonne fille malgré tout, et son enfantillage de comédienne, elle avait achevé d’habiller son amant, et elle le poussait vers la porte.

— « Et où te retrouverai-je ? » demanda-t-il.

— « Hé bien ! à six heures ici pour aller dîner au Bois… Mon Dieu ! » ajouta-t-elle, « si je n’avais pas ces deux rendez-vous chez la modiste et chez la couturière, j’irais avec toi. Mais je ne peux pas les manquer… »

— « Tu y tiens donc encore, à ce dîner au Bois ? … » reprit Claude.

— « Ne sois pas méchant, » répondit-elle dans un baiser, « il fait si joli et j’ai trop envie de t’aimer à la campagne… »