Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/492

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Sur cette phrase qui finissait de la peindre tout entière, avec ses passages subits des attendrissements les plus sincères au goût passionné du plaisir, Larcher rendit son baiser à sa maîtresse, saisi d’un vague mépris pour lui-même, tant il se trouvait faible devant ses moindres caprices, même à cette heure où il venait d’apprendre une catastrophe qui le touchait d’aussi près. Il s’élança dans l’escalier ; il descendit les trois étages, quatre marches par quatre marches ; il se jeta dans une voiture, et un quart d’heure plus tard il en ouvrait la portière devant cette grille de la rue Coëtlogon qu’il avait franchie, de même, quelques mois plus tôt, lorsqu’il venait chercher René pour le conduire à la soirée de l’hôtel Komof… Brusquement, toutes les pensées qu’il avait eues à cette place lui revinrent à la mémoire, et le ciel sinistre de ce soir-là, et la froide lune qui courait parmi les nuages mobiles, et l’étrange pressentiment qui lui avait serré le cœur. Maintenant le jour délicieux de mai remplissait le ciel de lumière, les feuilles verdoyaient dans la bande étroite du jardinet, devant les fenêtres du rez-de-chaussée des Fresneau. Ce printanier décor d’une vie si paisible représentait trop bien ce qu’avait été longtemps le destin de René ; ce qu’il fût demeuré s’il n’avait jamais rencontré Suzanne. Et cette fatale rencontre,