Page:Bourget - Mensonges, 1887.djvu/50

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et qui mit la main sur la bouche de son mari. « Monsieur Claude est notre ami, et je ne veux pas que l’on en parle… Mon frère m’a chargée de vous souhaiter le bonsoir à tous, » ajouta-t-elle, « ces deux messieurs se sont aperçus qu’il était plus tard qu’ils ne croyaient, et ils sont partis dare dare…. Et mon aquarelle, qui doit représenter la dernière scène du Sigisbée, quand l’aurai-je ? » demanda-t-elle au sous-chef de bureau.

— « Ah ! la saison est mauvaise pour les études, » dit ce dernier, « il fait nuit si tôt, et nous sommes surchargés de besogne ; mais vous l’aurez, vous l’aurez… Qu’as-tu, Rosalie ? Tu es toute pâle. »

La pauvre jeune fille venait en effet d’éprouver une souffrance presque intolérable, à songer que René avait pu s’en aller ainsi, sans un mot pour elle, sans un regard. Sa gorge se serrait, des larmes lui venaient aux yeux. Elle eut la force de retenir ses sanglots cependant, et de répondre que la chaleur du poêle l’incommodait. Sa mère échangea avec Émilie un regard où se lisait un reproche si direct, qu’en dépit d’elle-même madame Fresneau détourna les yeux. Elle eut, elle aussi, une impression pénible, car elle aimait Rosalie. Mais elle avait toujours été opposée à ce mariage ; il correspondait trop peu aux ambitieux