Page:Bourget - Un homme d’affaires - Dualité - Un Réveillon - L’outragé, Plon, 1900.djvu/106

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apprendre ce qu’elle avait appris fut aussi intolérable à la pauvre fille que si l’épais tapis de ce somptueux couloir eût été soudain remplacé par une suite de plaques en fer rouge. Elle se mit à gravir, avec la célérité d’une bête qui fuit, l’escalier conduisant au second étage, où elle habitait. Elle arriva dans son appartement, où elle ne trouva que sa femme de chambre. Elle eut la force de dire à cette fille, qui, heureusement, encore, tombait de sommeil, qu’elle se déshabillerait sans son aide, et là, seule, ayant fermé la porte à double tour, elle se jeta par terre comme quelqu’un qui n’en peut plus, qui voudrait s’écraser, s’abimer dans un gouffre de nuit et de silence, et elle éclata en sanglots. — « Mais que lui ai-je fait ? » gémissait-elle, à travers ses larmes, et elle répétait : « Que lui ai-je fait ?… » Car, dans cette première crise de douleur, c’était cela qui la déchirait tout entière, cette impression d’une férocité presque monstrueuse, d’une farouche et complaisante haine, rencontrée chez quelqu’un qu’elle s’était, jusqu’ici, habituée à aimer, tout en le redoutant un peu, et à respecter… L’image de cet homme, assis à son bureau, et lui parlant avec